Tanaland : l’utopie numérique féministe qui transforme l’insulte en résistance
Quand une insulte devient territoire, naît un geste de résistance. C'est exactement ce qu'est Tanaland : un pays imaginaire créé par et pour les femmes, en réaction à la violence en ligne, aux injures misogynes et au slut-shaming .
Le phénomène est né fin 2024 sur TikTok, grâce à la créatrice Sali Matou, qui filme sa valise prête à partir, en légende :

Le mot tana , utilisé pour insulter les femmes (dérivé de putana ), devient alors une arme de réappropriation féministe.
Tanaland : un espace de sororité et d'empowerment
Tanaland est une fiction militante et féministe : une nation virtuelle avec ses drapeaux, sa charte et ses « citoyennes ». Ce pays imaginaire ne cherche pas à exclure les hommes, mais à offrir aux femmes un refuge symbolique face au patriarcat numérique et au cyberharcèlement.
Son récit est joyeux, audacieux, souvent ironique — une façon de désamorcer l'insulte et de la retourner contre le système. Sur les réseaux, on y voit des drapeaux rose bonbon, des slogans « Liberté, Égalité, Ténacité » et même des « visas » humoristiques pour les hommes curieux. Mais derrière cette légèreté, Tanaland porte une dimension politique profonde : celle de la liberté de parole des femmes dans un univers numérique souvent hostile.

Tanaland et la réappropriation du langage
1. Réapproprier l'insulte : une stratégie féministe puissante
En revendiquant Tana, les femmes représentent le contrôle du discours. Cette réappropriation transforme la honte en fierté, l'attaque en manifeste. Comme dans d'autres mouvements — antiracistes, LGBTQIA+ — reprendre le pouvoir sur le langage, c'est reprendre le pouvoir sur soi.
2. Une « sécession numérique » pour respirer
Tanaland incarne une sécession virtuelle féministe : un espace symbolique où les femmes peuvent s'exprimer sans peur. C'est une manière poétique de dire "on ne vous attendra pas pour vivre libres".
3. L'imaginaire comme outil d'émancipation
Ce projet collectif montre que l'imaginaire est un levier d'émancipation. Créer un pays fictif, c'est créer un récit commun, une communauté, une manière de résister avec créativité.

Limites, critiques et débats
Certains·es soulignent des points de vigilance :
- Le risque d'essentialiser les femmes : nous ne formons pas une catégorie uniforme - les expériences différentes selon la race, la classe, le handicap, l'orientation sexuelle…
- La place des allié·es masculins : quelle place pour eux dans cette utopie symbolique ?
- L'effet uniquement symbolique : Tanaland ne remplace pas la lutte politique concrète contre le sexisme et le harcèlement.
Mais ces débats sont une richesse : ils montrent que Tanaland bouscule les imaginaires et invite à la réflexion.
Pourquoi Les Colleuses en parlent
Chez Les Colleuses, on aime les espaces qui libèrent les mots, exaltent la sororité et mettent le féminisme en acte. Tanaland résonne avec notre mission : créer des espaces — virtuels ou réels — où les femmes peuvent exister pleinement, se réapproprier leurs discours et résister ensemble.
Tanaland nous parle, car il allie humour, engagement et responsabilisation. C'est une réponse créative, une invitation à bousculer les blessures, à imaginer d'autres codes - à "coller" nos idées et nos luttes partout, même dans l'espace numérique.
Tanaland est à la fois miroir et rêve :
- Miroir, parce qu'il reflète la réalité toxique que vivent les femmes sur Internet.
- Rêve, parce qu'il imagine un monde plus libre, plus doux, plus juste.
Comme toute utopie, Tanaland ne donne pas de solution miracle, mais il inspire. Et si demain, Les Colleuses ouvraient une ambassade à Tanaland ?
Si le sujet vous intéresse, écoutez ça : Tanaland, le monde imaginaire féministe des tiktokeuses







